Pour des apprentissages ambitieux et émancipateurs en EPS dans le premier degré.

SEMAINE DE L’EPS

7 – 11 décembre 2020

Pour des apprentissages ambitieux et émancipateurs en EPS dans le premier degré.

Interview

Dans un contexte où le besoin d’activité physique, sportive et artistique est criant chez les élèves et analysé dans toutes les études, le SNEP-FSU met en avant 10 mesures pour porter les besoins de l’EPS. La Semaine de l’EPS, du 7 au 11 décembre, a vocation à développer des initiatives partout en France pour mettre en avant ces besoins. Le SNEP-FSU a interrogé différents acteurs : Kathy Souffron (KS), Guillaume Laroche (GL) et Samantha Fitte(SF) tous trois professeurs d’école et militants au SNUipp-FSU ; un formateur de l’INSPE d’Aquitaine Pascal Grassetie (PG) et une professeure d’école responsable de l’USEP et très engagée pour promouvoir l’EPS, Anne Lise Sahin (ALS).

 

SNEP-FSU : Peux-tu faire un état des lieux des pratiques dans le milieu scolaire (1er degré ?) 

 KS  professeure d’école : la difficulté principale ce sont les installations, le matériel, la salle polyvalente. Nous n’avons, pour pratiquer l’EPS que la cour de récréation et un pré fauché par la Mairie.

PG: formateur INSPE : les pratiques sont hétérogènes et dépendent beaucoup des conditions matérielles, des programmes, de l’attention portée par les corps d’inspection et aussi de la proximité avec l’USEP.

On peut relever une pratique en moyenne de 2 heures hebdomadaires en considérant les différentes classes. Les contenus de l’EPS sont le plus souvent conçus comme préparateurs du travail intellectuel demandé à l’élève et également comme outil de régulation de la classe. Les transformations motrices sont rarement au cœur de cet enseignement. Non pas parce que les enseignants s’en désintéressent mais par ce que les formations initiale et continue diminuent voire deviennent inexistantes. Une difficulté supplémentaire existe : le flou dans lequel se trouve cette pratique scolaire. L’activité sportive dans les milieux associatifs, l’approche uniquement hygiéniste (bouger 30 minutes) et l’EPS à l’école sont confondues, confusion souvent entretenue notamment par le Ministère. Ceci permet des interventions extérieures et génère d’autant plus d’inégalités territoriales entre communes riches et communes pauvres.

Enfin, une remarque qui concerne l’enseignement de la natation (priorité nationale) dans ce département : à peine 50% des élèves ont accès à la pratique de la natation en milieu scolaire alors que la Gironde est dotée d’un milieu naturel riche en activités aquatiques et nautiques.

GL professeur d’école : les installations matérielles et les lieux appropriés font défaut. Nous ne sommes pas assezformés ! De plus la pression exercée par les disciplines dites fondamentales rogne l’EPS. Avec le SNUIPP nous revendiquons également un objectif sur « le vivre ensemble ».

 

 SNEP-FSU : Où en sont les programmes scolaires et les ambitions de l’Education Nationale ? Est-on en mesure d’identifier les conditions requises pour une Ecole vitaminée à l’EPS ?

 PG Là ou l’école dispose de bonnes conditions (pratique régulière, installations présentes, enseignants organisés et disposant d’un enseignant dédié USEP) alors les élèves manifestent de l’engouement et le retentissement est fort dans les apprentissages. De nombreuses études montrent que le climat scolaire s’améliore.

ALS : L’USEP est le lieu où vont se développer des rencontres, des pratiques variées. Cela va constituer un tremplin pour aller pratiquer et vivre ensemble : jouer, coopérer, organiser, arbitrer sans oublier les aspects liés à la santé et au développement durable

 

SNEP-FSU Quelles formations reçoivent les étudiants du Master se destinant aux métiers de l’enseignement dans le 1er degré ? Quelles évolutions en lien avec la réforme attendue à la rentrée 2021 ?

PG : Insuffisante, la formation est insuffisante en EPS mais aussi ailleurs. Elle ne dote pas les jeunes enseignants des moyens pour enseigner pour agir pleinement et surtout ils ne disposent des outils pour réduire les inégalités !

Et puis actuellement la mise en stage en responsabilité ne leur permet pas de prendre le temps nécessaire pour se former car les stagiaires doivent répondre à l’urgence du face à face avec les élèves. C’est une formation en master 1 centrée sur les contenus du concours et formation survolée en master 2. Le déplacement du concours en fin de master 2, ne répond pas au problème, car bon nombre d’étudiants sera sous statut contractuel, en responsabilité d’une classe pour une part de leur service.

SF : La formation est inexistante. Ceux d’entre nous qui sont intéressés s’auto-forment !

PG : La réforme en cours fait encore une fois l’économie de la réflexion. Les déficits de nos élèves français notés dans les tests internationaux poussent le ministère à saturer la formation sur les 2 disciplines incriminées. Nous avons en France un volume horaire de français et mathématiques des plus lourds en Europe. Est-ce que la solution vient de cette seule augmentation de ces horaires ? n’y a-t-il pas d’autres pistes de réflexion à mener ? Le temps est contraint pour la réflexion. Les injonctions sont contradictoires au niveau ministériel. On a l’impression qu’on réfléchit au fur et à mesure que les problèmes se posent. Il n’y a pas de réflexion d’ensemble.

ALS : La formation en EPS comporte peu d’heures de pratique qui sont d’ailleurs en diminution alors que l’EPS est la troisième discipline dans les volumes horaires des programmes. L’EPS est cruciale pour le développement.

PG : On ne peut pas en 2 années être prêt à intervenir en face à face. J’utilise une image : c’est comme si on disait à un étudiant en médecine lors de sa 1ere intervention chirurgicale : « voilà maintenant tu vas seul opérer un vrai patient ! ».

La solution : commencer un continuum plus tôt, en licence poursuivre en master, alterner les stages et la formation, produire une progressivité dans laquelle le jeune crée et stabilise ses compétences, promouvoir une formation tout au long de la carrière digne de ce nom.

 

SNEP-FSU : Est-ce que cet enseignement devrait être entre les mains de « spécialistes » ? Lesquels ?

PG : Je ne pense pas. L’EPS est une discipline scolaire, les professeurs d’école sont les enseignants de cette catégorie d’élèves. L’EPS doit rester dans l’école. La pratique physique et sportive doit devenir un objet d’étude en soi. La sous-traitance de cet enseignement par d’autres intervenants fussent-ils spécialistes des pratiques sportives, sortirait un peu plus cette discipline de l’Ecole.

La solution consisterait à former des enseignants « ressources » qui exerceraient dans l’école et pourraient ainsi l’organiser. Nous avons déjà formé des enseignants « à dominante » tout en conservant la polyvalence et l’unicité du maître.

 

SNEP-FSU : Est ce que les jeunes enfants sont également en carence d’activité physique ? Quelles sont les conséquences de ces manques ? 

PG : Les enquêtes de la fédération de cardiologie montrent une chute de 25% des capacités cardio-pulmonaires. Et note au passage des inégalités filles/garçons. La sédentarité augmente ainsi que le surpoids pour 24% des populations de jeunes enfants de milieux défavorisés. Le développement entre 3 et 10 ans est plus faible. Parallèlement les méfaits sur la santé augmentent, c’est alarmant. Bouger ne suffira pas. L’activité physique doit devenir un objet d’étude, sollicitant l’ensemble des savoirs dispensés à l’école (le langage, les outils mathématiques, les sciences, les arts…)

 

SNEP-FSU : Que penser du dispositif « 30’ d’activité physique », mis en place à cette rentrée par le ministre de l’ENJS ? 

ALS : Je ne sais pas faire en 30 minutes ce que je fais en 1heure 15 mn ! Les étirements, la séance, le retour au calme et quelquefois faire produire un bilan réflexif nécessite du temps. Faire baisser les tensions, l’excitation du jeu, produire une ou deux phrases d’explication exige un peu de temps supplémentaire.

PG : Les élèves bougent déjà 30 minutes si on additionne les temps de récréation ! Est-ce que cette proposition est une avancée ? Ça ne peut pas être une réponse  les expériences promues par le ministère (ergocycle disposé sous le bureau) tutoient le ridicule. Ce dont les élèves ont besoin c’est d’entrer dans la culture, se développer, envisager le long terme à partir de l’activité physique scolaire. Au-delà de la santé, il y a la culture contemporaine. Il faut émanciper les élèves d’un tas de pressions, d’offres commerciales qui ne sont pas là pour satisfaire le développement et la compréhension du monde. Les bénéfices escomptés sont bien autres. Bouger n’est pas une réponse, juste une décompensation. Nous concevons une EPS qui forge les capacités au-delà du cardio-pulmonaire.

Selon la définition de l’OMS la santé est un état de bien être moral, physique, psychologique et social. Il faut contribuer à ça !

 

SNEP-FSU : De quelle façon, l’EPS à l’école primaire participe-t-elle à préparer les jeunes à l’EPS du second degré ?  

PG : Là aussi nous constatons de l’hétérogénéité ! Entre le collège et une école « vitaminée à l’EPS », on peut voir des constructions. La natation par exemple est prise en charge très rapidement par les enseignants du collège. Exemple : les élèves « à besoins particuliers » c’est-à-dire n’ayant pas encore acquis le savoir nager.

Mais ce n’est pas la norme en général, loin s’en faut !!!

En cycle 3 la liaison est en rupture car le mode d’entrée dans les disciplines au collège est tout autre. Il y a une plus grande distance entre élève et enseignant spécialiste de la discipline au collège qui n’existe pas à l’école. Pour l’EPS ce n’est pas ça qui sature les débats !

ALS : La pratique sportive doit être au cœur de nos vies. C’est un problème qui nous concerne tous.

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